Commençons par une touche d’humour : cette fois ci nous avons en face de nous une femme qui s'appelle « Lao Mei ». « Lao », en chinois, signifie « la vieille ». Je dis une touche d’humour, parce que je sais que mon texte est destiné à être traduit en français, et c’est justement un problème de traduction qui fait sourire ici. Parce que, en chinois, être appelé « l’ancêtre » est un signe de respect, mais en français, comme vous le savez, c’est une grande insulte. Du coup, je me trouve contrainte, dans ce texte, d’appeler Lao Mei par son prénom et son nom en entier, même si cette façon de la désigner est maladroite et peu convaincante. À ce stade, je n'ai pas pu m'empêcher de rire pendant un bon moment. Quiconque connaît Lao Mei doit comprendre pourquoi.Bien entendu, Lao Mei n'est pas réellement vieille. En France, son âge est même considéré comme le meilleure âge, puisqu’elle est née en 1962. La raison pour laquelle on l’appelle « la vieille Mei » tient essentiellement au fait qu’elle a réalisé des choses innombrables dans sa vie et que tout ce qu’elle entreprend semble lui réussir - un véritable feu d’artifice provoquant pas mal de bruit. Le nom complet de Lao Mei est Yuan Mei. Sur le plan généalogique, c’est un patronyme vraiment commun chez les chinois, et il y a sans doute des dizaines de millions de personnes qui portent exactement le même nom en Chine. Toujours est-il que pour les étrangers, celui-ci est très intéressant. En premier lieu parce qu’une figure extrêmement célèbre de l’histoire chinoise portait le même nom de famille que Yuan Mei : Yuan Shikai, général pendant la dynastie Qing devenu pendant moins de trois mois empereur de Chine. Sa vie est une farce tragique et ceux qui s’y intéresseraient pourraient découvrir beaucoup d’anecdotes très intéressantes. Je m’excuse de ne pas les raconter, ce serait beaucoup trop long. Il me semble d’ailleurs que plusieurs peintres et poètes bien connus portent également le même nom et prénom que Mei. Je m’excuse de ne pas les citer, car une telle énumération nous écarterait de l’essentiel : la signification de Mei, qui renvoie en chinois au prunus mume, connu en France sous le nom d’abricotier du Japon, même si cet arbuste vient originellement des régions du Sichuan et du Yunnan. On sait l’admiration que les occidentaux nourrissent pour ses fleurs, même si cet intérêt reste avant tout esthétique. Or, si en Europe le prunus mume est un symbole vague des mondes et des traditions extrême-orientales, il faut savoir que le Mei a une importance capitale dans la culture chinoise. Les fleurs de ce prunus y sont placées au premier rang, non seulement car elles sont les toutes premières à fleurir, à la fin de l’hiver, mais également par ce qu’elles représentent la force, la pureté, la droiture, mais aussi la modestie et l’humilité. La peinture et la littérature, en Chine, ne cesse de s’y référer, et ce depuis des siècles. Je me demande si les parents de Yuan Mei pensait à tout cela lorsqu’ils ont choisi de nommer leur fille ainsi. Si oui, alors Yuan Mei, de par son caractère et ses qualité, a définitivement exhaussé le voeux de ses parents ! Car son itinéraire force l’admiration - elle qui est passée d’écrivain à scénariste, d’entrepreneure à réalisatrice, jusqu’à devenir productrice, et enfin, on le voit aujourd’hui, artiste et plasticienne… Ce qui n’a l’air de rien pour elle mais, pour les autres, elle semble déborder de la même énergie qu’une super-héroïne. Elle me rappelle souvent une citation des Leçons américaines d’Italo Calvino : « Peut-être qu’un jour, pour la toute première fois, un écrivain aura fini toutes les histoires. Mais même là, après avoir fini toutes les histoires, il restera toujours quelque chose à raconter. Il semble que ce ne sera jamais fini, et nous devons continuer à raconter ». C'est incroyable, j’ai l’impression que cette citation a précisément été écrite pour Yuan Mei ! Il y a un proverbe chinois qui dit d’ailleurs sensiblement la même chose : mei kai san du, ce que l’on peut traduire par « la fleur de prunus fleurit une troisième fois ». Un proverbe que l’on emploie quand quelqu’un réussit quelque chose plusieurs fois. Interrogé sur la signification de l'art abstrait, Kandinsky a dit un jour que l’abstraction devient de l’art parce qu'il est le fruit du sentiment intérieur humain. Je mentionne cette réflexion, non pour classer les œuvres de Yuan Mei parmi les oeuvres abstraites, mais simplement pour le sens profond des paroles du peintre : chaque œuvre serait en fait un autoportrait spirituel de son créateur. À partir de là, aux yeux d’un critique d'art, la catégorisation des œuvres de Yuan Mei n'a plus aucune importance effective. En fait, toutes les catégorisations de l’histoire littéraire et de l'histoire de l'art moderne ne servent à interpréter et expliquer que les cas les plus difficiles, réfractaires à tout classement. Quand une certaine « faction » ou un certain « groupe » finit par élaborer une certaine « doctrine », c’est déjà la fin ; ensuite, tout un tas d'autres factions ou de groupes émergeront pour prendre sa place. Toutes les groupes devenus célèbres ont réussi à s’établir parce qu'ils ont laissé des traces de leurs recherches, sur lesquelles les générations suivantes ont réussi à construire leurs propres résidences spirituelles. En d'autres termes, les œuvres d’art contemporaines qui valent le coup d’œil doivent avoir des traits modernistes, sans être forcément des œuvres modernistes. Et la critique doit nécessairement évoluer. L’interprétation de l'art contemporain n'est plus pareil, et les méthodes permettant d’appréhender le romantisme et le réalisme victorien ne sont plus d’actualité. Aujourd'hui, alors que la nouvelle technologie est omniprésente et omnipotente, l’interprétation de l'art doit être une mécanique quantique, sans autorité et décentralisée.J’imagine que lorsque Yuan Mei montre ses créations aux gens qui l’entourent, la plupart d’entre eux sont plus ou moins surpris, et portent des jugements très divers sur son travail. En effet, ses œuvres sont si spontanées qu'il est facile de voir qu'elles sont faites par une autodidacte. Ce n’est d’ailleurs pas inhabituel dans l’histoire de l’art, et tout le monde connait, entre autres exemples, les noms d’Henri Rousseau ou d’Adolf Wolfli. On emploie d’ailleurs, pour qualifier ce genre d’œuvres, les notions d'art primitif, d’art naif ou d’art brut. En particulier les soi-disant « professionnels du monde de l’art », qui sont très susceptibles de se moquer et de dédaigner de telles créations. Personnellement le travail de Mei, la première fois que je l’ai découvert, a suscité chez moi beaucoup d’intérêt et de curiosité, d’autant plus que je connaissais bien sa personnalité et son parcours professionnel. Pour interpréter ses créations, je ne considère pas sa manière et ses thèmes, bien qu'elle m'en ait beaucoup parlé, je ne regarde que les résultats de son travail, et puis je me demande, pourquoi et sous quelles circonstances a-t-elle fait ceci et cela ? (rires). Et effectivement c’est très intéressant ! Car il semble parfois que tout y est parfait, pensé, composé et réalisé avec beaucoup de mesure, comme si Mei était un vétéran accompli des arts plastiques et qu’elle faisait cela depuis des décennies. Mais parfois, elle paraît aussi jeune qu'une enfant de cinq ans, gribouillant sans raison, avec un peu de méchanceté ludique et d’égoïsme, ne cherchant rien d’autre qu’à s’amuser, comme elle nous l’a confié. À mon avis, Mei est une personne qui a toujours besoin d’exprimer quelque chose. Je vous prie de bien prêter attention à cette idée. Ce n'est pas qu’elle aime, ou qu’elle est douée pour s’exprimer, c'est qu’elle a viscéralement besoin d’exprimer ! Ce « besoin » peut sembler, à première vue de l’enthousiasme et de la détermination, mais ces habits cachent, en fait, une extrême incertitude et un doute existentiel. Mei a vu, en effet, sa vie radicalement bouleversée à cause d’une chirurgie cardiaque très grave, qu'elle a subit en 2018. Je pense, personnellement, que son inventivité artistique était latente depuis de très nombreuses années. La chirurgie, ou quoi que ce soit d’autre, a juste joué rôle de coup de pouce ou d’amorce. Si j’assimile, ici, les activités artistiques de Yuan Mei à une sorte d'héroïsme, c'est parce que je pense qu’une artiste comme elle voit sa valeur d’existence, sa valeur humaine, dépasser de loin la valeur de ses œuvres. Exactement comme la fleur de prunus, la démarche de Mei est sans pourquoi ; le prix et la signification de ses oeuvres résident dans leurs seules existences. Elle participent, comme la fleur, du luxe de la nature, du pouvoir mystérieux du Créateur, de ce sentiment de tristesse poétique et de mélancolie fugace que l’on éprouve face au passage du temps. Les artistes sont toujours considérés comme l'incarnation de la liberté, sans doute puisqu’ils qu'ils ont plus de courage que les gens ordinaires, et s’émancipent avec plus de force et de désir des chaînes de la société. Il n’existe, néanmoins, aucune liberté individuelle pure et allant de soi. L'art va de pair avec une certaine attitude, une tendance intime ou encore une inclinaison politique. Qu’il s’agisse de Levitan ou d’Andrew Wyeth, de Vincent van Gogh ou de Paul Cézanne, ces peintres ne reproduisent pas des objets qui peuvent être vus à l'œil nu, mais tels qu’ils peuvent être vus avec le cœur. Lorsque Léon Richet a recouvert ses toiles de couleurs pures et vives, qui semblaient choquantes pour le public de l'époque, les gens se sont sentis mal à l'aise et lui ont demandé la raison de ce choix esthétique. Richet a répondu qu’il avait besoin de le faire, que la guerre avait coloré le monde de couleurs sombres et sales. Et le peintre, lui aussi, fait usage du mot « besoin ». L’univers crépusculaire dans lequel évolue l'artiste se teint ainsi de couleurs vives. C’est en cette métamorphose que réside la vitalité politique de l'art contemporain. Il faut à la fois de la compréhension et du courage. Le langage artistique, sur fond d’époque, s’est toujours réalisé de cette manière subversive. Mei, enfermée dans sa maison durant trois années, en Chine, pendant l’épidémie, a ouvert des lucarnes éclatantes avec des couleurs vives, dans l’espace gris. Du coup le soleil est en entré, il a empli a pièce, la peintre en elle pouvait sortir et permettre à l'esprit de s'envoler librement. Par conséquent, ce que Mei peint en couleurs vives est en réalité une sorte d’obscurité. Les artistes reflètent leur monde intérieur et la vie vécue à travers l'art, mais ce n'est pas tant un « reflet » qu'une « réaction ». Ils ont besoin d’apporter une réponse à l’existence et d’inscrire leurs pas dans le rythme du monde. Mei, « la vieille », peut sembler parfois malicieuse et énergique, comme un enfant. Mais c’est aussi une personne courageuse, habitée d’une grande âme héroïque. commissaire d’exposition, critique d’art.______________________________ Écrivaine, scénariste, investisseur et productrice de cinéma et de télévision. Elle a écrit des livres tels que « Les Morceaux », « Problèmes Personnels », « J’ai envie de tomber amoureuse », « Ma mère intelligente a l’air idiote », « Divorce », « Peu importe la hauteur des nuages, il y a aussi une échelle », « Pensées de Mei » etc. Investie dans le cinéma, elle a aussi produit des films tels que « La vie Post-Moderne de la tante », « L’enfant de Huangshi », « La troisième personne », « L’Âge d’or », « The Adventures of the Mysterious World » (série de dessins animés), « Golden Turtle »(dessin animé), « Crazy, Guibao » (dessin animé) et d'autres films ; investie également dans la production de séries télévisées, telles que « Princes Deling », « Wonderful Girl », « Urban Season 5 », « Happy Things » (sept saisons), « Crazy, Guibao » etc. Elle a remporté de nombreux prix internationaux.Le 7 décembre 2018, elle a commencé à pratiquer la peinture.Octobre 2020, Exposition artistique personnelle « Flux » à Beijing Holy Gallery.Novembre 2023, Exposition personnelle « Bliss de Mei » à Chengdu Jingcao Studio.Janvier 2024, Exposition personnelle « L’héroïsme selon Mei » à la Galerie des Femmes - Antoinette Fouque, à Paris.Diplômée de la licence d’« Art Craft » du département des Beaux Arts de Nanjing Art University, et d’un Master en littérature comparée du département Chinois de Nanjing University. Elle est également la fondatrice de l'association de l’Union des Artistes d'Asie en France. Écrivaine, critique d'art, conservatrice internationale et journaliste membre de l'Union de la Presse Francophone, elle a activement participé au Mouvement de Libération des Femmes en Chine dans les années 1990; elle a organisé des dizaines d'événements culturels et artistiques internationaux, dont bon nombre d'expositions, conférences, ou elle a apporté son expertise à des ventes aux enchères, colloques académiques, etc. Elle a déjà publié une cinquantaine d'articles, nouvelles, essais et critiques d'art dans la presse et des revues littéraires et artistiques. En 2005, elle a publié son roman en mandarin « De grâce, n'allez pas à l'église pour trouver Dieu ! ». Entre 2012 et 2018, elle a fait paraître plus de 50 biographies et entretiens avec des artistes contemporains célèbres du monde entier. Ses écrits et discours sont parus dans divers magazines littéraires et artistiques professionnels, sites Web, médias nationaux et internationaux tels que Artron, Phoenix Art, Phoenix Satellite TV, Pictural, RFI (Faguang), TV5, Furong Magazine, People's Network of China, Xinhua Daily, etc..______________________________
梅开三度
l‘héroisme selon MEi
Première exposition Personnelle
de YUAN Mei à Paris .
Organisations / 主办方
Unions des Artistes d'Asie en France
法国亚洲艺术家联合会
Espace des femmes - Antoinette Fouque
法国女性主义联盟艺廊空间
学术主持人 / commissaire scientifique
格里高利·居安诺-达蒙斯
(Gregory Jouanneau-Damance)
策展人/ commissaire d'exposition
何宇红
Yuhong He
开幕酒会 / Vernissage
Le mercredi 10 janvier 2024
à partir de 19:00
2024年01月10日19:00
Adresse /地址
35 rue Jacob 75006
ESPACE DES FEMMES-Antoinette Fouque
Exposition/展览日期
Du 10 au 03 fevrier 2024
Du mardi au samedi de 14:00 à 19:00
2024年01月10日至02月03日
周二至周日 14:00-19:00
Contact/联系
Union des Artistes d'Asie en France
uaaf@outlook.com
www.uaafparis.com
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