Crédit : Un visuel réalisé à partir de la photographie de Jürgen Schadeberd, graphisme : Thomas Gizolme
Le Manifeste des nouvelles écritures de la photographie documentaire
Dans la lignée d’une certaine photographie documentaire « humaniste » travaillant sur le temps long, les « nouvelles écritures de la photographie documentaire » s’inscrivent dans un large mouvement – qui a commencé dans les arts littéraires, trouvé des appuis dans les sciences humaines et sociales, et gagné les arts de l’image – les amenant à partager un « paradigme de l’enquête ». Sous ce terme, il faut entendre une démarche considérée dans son cheminement et dans le champ d’investigation et d’expérience qu’elle ouvre à la confrontation avec le monde. Ce n’est plus le réel du monde qui est « documenté », l’image photographique ne cherche plus à établir des « faits », à rendre visibles et lisibles des « données », à interpréter des « traces » et des « indices ». Ce que l’image « documente », c’est le geste d’enquête par lequel le photographe, aux prises avec le réel, fait advenir sa manière à lui de « faire monde ».
Dès lors la prise photographique n’est plus un geste de prélèvementou même de prédation, elle est une manière d’entrer en relation avec un monde dont le photographe est lui-même une composante, sur lequel il agit par son acte photographique et qui l’agit et le transforme en retour. C’est cette relation transformatriceque rapporte le récit d’enquête (que nous nommons enquête intérieure), en s’essayant à restituer et à produire le cheminement de cette œuvre au travail et ses effets de connaissance et de transformation de soi et du monde. Très souvent, ce retour réflexif donne l’occasion au photographe de se questionner sur sa propre place, sur son acte photographique, voire sur le rôle de la photographie elle-même. Les images que les photographes produisent et les récits d’enquête qu’ils peuvent faire leur permettent de mettre à jour le processus sous-jacent à leur création, comment elle touche et nourrit leur intime. Ouverts au public, les récits d’enquête deviennent à la fois un lieu de partage agissant et de transmission.
Le photographe « documentaire », au sens où nous l’entendons, prend partau fragment du monde qu’il interpelle et dont il fait son « sujet » (et non son « objet »). L’altérité devient ainsi l’élément essentiel d’une intention d’auteur qui ne travaille pas « sur » mais s’engage « avec ». La conscience de cette prise de part et de reliance au monde est rendue plus nécessaire encore à l’ère de l’anthropocène, des désastres dont il est porteur mais aussi des interdépendances entre les formes du vivant qu’il appelle à reconnaître. C’est dans cet aller-vers et cette rencontre avec le monde et avec l’Autre que naît la dimension intime du travail du photographe dans laquelle il se découvre.
On ne saurait parler de ces pratiques nouvelles de la photographie documentaire sans évoquer la préoccupation éthique qui les anime, telle qu’elle se traduit en particulier dans la « relation d’enquête » entre photographiants et photographiés. Quittant la position de surplomb ou de neutralité objectivante qui pouvait marquer une certaine photographie de reportage ou une photographie à visée esthétisante, les photographes documentaires entrent dans une relation de collaboration et de coproduction avec les personnes photographiées. Celles-ci ne sont plus réduites au rang d’« objets photographiques », au seul contact du consentement à l’image et du déclic, elles prennent leur part dans l’acte photographique et celui-ci leurrend leur part. Le medium photographique joue ici son rôle de mise en relation, de créateur et de vecteur d’un espace commun pour une expérience que mènent ensemble un sujet-acteur photographe et un sujet-acteur photographié. C’est dire combien cette approche exige d’un «temps long partagé» entre photographiants et photographiés, qui est un temps de reconnaissance mutuelle et d’en-commun de l’œuvre entreprise.(Christine Delory-Momberger, Valentin Bardawil & Charlotte Flossaut)
Artistes présentés par l'UAAF L’expansion urbaine exubérante et excessive est le rêve officiel du monde dans la mondialisation d’aujourd’hui. De Shanghai à Dubaï, de Bombay à Mexico, les dirigeants et les capitalistes célèbrent cette nouvelle opportunité de développement et d’autonomisation.Ils la peignent dans des tableaux plus spectaculaires les uns que les autres. Avec des forêts de bâtiments de grande hauteur et des autoroutes bondées, ils concoctent des pays de rêve au-delà de l’imagination humaine.
L’utopie revient éternellement : c’est le nouveau paradis promis où les gens vivront heureux ensemble pour toujours…Une fois de plus, les villes chinoises sont à l’avant-garde de cette « réalisation historique ». Mais, comme nous l’avons vu, la réalité se déroule toujours dans la direction opposée. L’utopie n’est rien d’autre qu’une dystopie : derrière les murs de verre brillants de gratte-ciel flambant neufs, la prospérité s’accompagne toujours de chaos et même de désastre.La série de paysages urbains Super Towers de Du Zhenjun, un artiste basé à Paris et originaire de Shanghai, le démontre parfaitement. En transformant les nouvelles villes chinoises en nouvelles Tours de Babel, au lieu de montrer un « paradis communiste primitif », l’artiste présente une version contemporaine de l’apocalypse : à peine les nouvelles tours – symboles de la richesse et de la superpuissance nouvellement acquises – sont-elles construites qu’elles sont déjà en feu et le sol est inondé. La cérémonie d’ouverture est orchestrée avec des tremblements de terre et la guerre. Les scénarios catastrophes de Du rappellent évidemment les scènes infernales de Jérôme Bosch. Pourtant, rien n’est vraiment fictif ou surréaliste ici. Ce sont toutes des images d’événements réels. En fait, toutes les images sont des moments qui se sont réellement produits.XU Zhiwei est à la fois artiste, photographe, et témoin de l’évolution de l'art contemporain chinois des trois dernières décennies. Il a pointé son appareil photo vers de jeunes et courageux artistes avant-garde chinois inconnus, certains d’entre eux étant aujourd'hui devenus d’importants artistes reconnus dans le monde de l’art de tous les continents. Ces artistes ont décrit l’histoire de la réforme de la Chine et son ouverture depuis quarante ans, et Xu Zhiwei a décrit ces événements avec son appareil photo en montrant l'histoire de leurs créations d’art. À partir de là, il y a eu la première Résidence d'artistes de Chine, les premiers événements artistiques, les clins d’œils sur la vie quotidienne, les détails et les moments inoubliables et incontournables sur les créations de ces artistes. Les photographies de Xu Zhiwei sont tellement précieuses et rares depuis trois décennies que ces dernières ont été publiées et archivées dans de nombreux livres et magazines importants d’histoire de l’art, exposées dans de nombreux musées en Chine et en Asie, comme le Musée des Archives Nationales d'art contemporain chinois, le Fukuoka Art Muséum au Japon, etc. Xu Zhiwei est l’un des rares photographes à avoir vraiment pris conscience de l'importance des connexions entre la photographie et l'histoire de l'art, il a reproduit fidèlement la scène de la période la plus importante du contexte culturel spécifique de l'art contemporain chinois, et il a rendu une grande valeur historique à son évolution.ZHU Fadong, artiste mondialement connu, est incontournable dans l'histoire de l’art contemporain chinois.« This Person is For Sale » (1994), est réalisé en coopération avec Zhang Xuejun, qui a filmé les promenades de Zhu à travers Pékin vêtu d’une veste Mao et portant l’inscription « This Person Is For Sale, Price Negociable », un rappel du statut des paysans migrants en milieu urbain. Zhu Fadong s’est produit à Shanghai, à Nanjing et dans les principales villes chinoises du Hunan et du Yunnan.Il utilise un large éventail de techniques artistiques pour représenter la société chinoise contemporaine de manière performative et transdisciplinaire. Dans ses premières oeuvres - « Black Square » (1990) et « Missing Missing » (1993) - la toile est remplie d’annonces personnelles, d’avis de disparitions ou encore de silhouettes abstraites réduites à un minimum de lignes graphiques.La Chine est-elle immuable ou en proie, devant nos yeux, à un changement historique ? Sans doute un peu des deux. Le carnet de voyage que nous offre Grégoire de Gaulle – avec une modestie qui fait qu’il a attendu 26 ans avant de nous le faire partager – peut paraître bien décalé par rapport aux images modernistes que rapportent les millions de touristes et d’hommes d’affaires qui ont visité Shanghai, Pékin ou Canton. Point de gratte-ciels, de limousines étincelantes, de ravissantes jeunes femmes à la dernière mode et d’ambitieux« businessmen » partis à la conquête du monde ! Mais un petit peuple qui survit tant bien que mal les bouleversements que lui imposent le Ciel ou ses dirigeants. ( Ecrit par Patrice de Beer)FrenchMasks.SGDG est une série de presque deux cents autoportraits. Elle a été initiée au printemps de la pandémie de Covid-19 en France, au tout début du premier confinement. Ils ont été un moyen d'expurger une partie des tensions et de la torpeur qui avait envahi le monde ces premiers mois de l'année 2020. Les avions avaient disparu du ciel de France et, sans doute plus loin, partout ailleurs. Des amis chinois ont tenté de me faire parvenir des masques dès la mi-mars. Ils me sont parvenus trois mois plus tard. Entretemps nous avions reçu différentes informations et ordres. D'outil professionnel et totalement inutile, à tricoter soi-même et totalement obligatoire.
Réalisés dans un processus de création, à l'instar des « One Minute Sculptures » d'Erwin Wurm, dans une mise en scène répétée, ils ont été enregistrés durant 12 mois. Comme tout masque ceux-ci extrapolent une réalité, ironiquement, afin de proposer une protection magique contre une maladie ou contre une folie. Ce n'est pas seulement du virus invisible dont il s'agit, mais de la réalité absurde et des contraintes générales qui gouvernent nos relations sociales. Enfermés, invisibles aux autres, sinon par nos écrans, par les selfies vidéo que nous partageons en travelling optique. Qui sommes nous vraiment ?À partir de l'automne 2020 jusqu'à l'été 2021, pour donner une respirations aux passants piétons privés de sorties, de culture, dans les contraintes des attestations auto-écrite et des couvre-feux, les masques sont venus se coller sur les murs des villes.( Ecrit par Guillaume Dimanche)
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4 place Saint-Germain-des-Prés, 75006 Paris le 4 novembre de 18H à 22H.Lundi 4 novembre 13H00 - 22H00, Mardi 5, mercredi 6 novembre, 10H30 - 20H00Jeudi 7 novembre 10h30 - 19H00photodoc@photodocparis.com