安妮·埃尔诺在2022年诺贝尔文学奖颁奖典礼上的讲话 | CATTI热点

文摘   2024-10-06 17:30   天津  

2022年10月6日,瑞典文学院在斯德哥尔摩宣布,将2022年诺贝尔文学奖授予法国作家安妮·埃尔诺(Annie Ernaux)。自1901年以来共有114位诺贝尔文学奖获得者,安妮·埃尔诺是其中的第17位女性,也是法国第1位获此殊荣的女性作家。在瑞典电视台的采访中,她表示这是“莫大的荣誉和责任”,并认为与其说获奖是证明了自己的写作,不如说这证明的是一种世间的公平与正义。瑞典文学院的颁奖词称,“她以勇气和敏锐的洞察力揭示了个体记忆的根源、隔阂和集体约束”,“她不断从不同的角度审视了在性别、语言和社会阶层方面存在差异的生活”。安妮·埃尔诺1940年出生于法国滨海塞纳省(Seine-Maritime)的利勒博纳(Lillebonne),在诺曼底小城伊沃托(Yvetot)长大,至今创作了约20部作品,是法国备受瞩目的当代女性作家。其作品与社会学关系密切,带有浓厚的自传色彩。正如她自己所言:«J'écris mes histoires d'amour et je vis mes livres.» 以我手写我爱,活在我的书里。«J'ai parfois l'impression de vivre sur deux plans à la fois, celui de la vie et celui de l'écriture.»有时我觉得自己栖息在两个层面上,生活和写作。

安妮·埃尔诺的作品中也有着强烈的女性主义色彩,她的第三本小说《被冻住的女人》(Femme gelée) 以内心独白的方式讲述了自己的成长故事,关注女性成长中的性别社会化,刻画了一个时代的女性群像。之后她也继续忠于这一类型的写作。2021年根据其同名自传小说改编的电影《正发生》( L’Évènement ) 获得第78届威尼斯电影节金狮奖。阿莫也在精读栏目给大家推荐过这部电影。

这部法国电影为什么把影评人看到当场昏倒?| 精读第90期


Annie Ernaux – Conférence Nobel

安妮·埃尔诺在2022年诺贝尔文学奖颁奖典礼上的讲话

(吴岳添 译)

Par où commencer ? Cette question, je me la suis posée des dizaines de fois devant la page blanche. Comme s’il me fallait trouver la phrase, la seule, qui me permettra d’entrer dans l’écriture du livre et lèvera d’un seul coup tous les doutes. Une sorte de clef. Aujourd’hui, pour affronter une situation que, passé la stupeur de l’événement – « est-ce bien à moi que ça arrive ? » – mon imagination me présente avec un effroi grandissant, c’est la même nécessité qui m’envahit. Trouver la phrase qui me donnera la liberté et la fermeté de parler sans trembler, à cette place où vous m’invitez ce soir.

从什么地方开始呢?这个问题,面对着空白的纸张,我已经给自己提过几十次了。似乎我需要找到唯一能使我进入写作、一下子消除所有疑虑的句子。一种钥匙。今天,对这件事情的惊愕——“这是发生在我身上的吗?”——已经过去,要面对我的想象力以不断增长的恐惧呈现在我面前的环境,我感到了同样的需要。在你们今晚邀请我来的这个位置上,找到能使我毫不颤抖地、自由而坚定地说话的句子。


Cette phrase, je n’ai pas besoin de la chercher loin. Elle surgit. Dans toute sa netteté, sa violence. Lapidaire. Irréfragable. Elle a été écrite il y a soixante ans dans mon journal intime. J’écrirai pour venger ma race. Elle faisait écho au cri de Rimbaud : « Je suis de race inférieure de toute éternité ». J’avais vingt-deux ans. J’étais étudiante en Lettres dans une faculté de province, parmi des filles et des garçons pour beaucoup issus de la bourgeoisie locale. Je pensais orgueilleusement et naïvement qu’écrire des livres, devenir écrivain, au bout d’une lignée de paysans sans terre, d’ouvriers et de petits-commerçants, de gens méprisés pour leurs manières, leur accent, leur inculture, suffirait à réparer l’injustice sociale de la naissance. Qu’une victoire individuelle effaçait des siècles de domination et de pauvreté, dans une illusion que l’Ecole avait déjà entretenue en moi avec ma réussite scolaire. En quoi ma réalisation personnelle aurait-elle pu racheter quoi que ce soit des humiliations et des offenses subies ? Je ne me posais pas la question. J’avais quelques excuses.

这个句子,我无需到远方去寻找。它突然就出现了。非常清晰、激烈。简明扼要,无可置疑。它写在60年前我的内心日记上。我要为我的种族复仇而写作。它与兰波相呼应:“我永远属于劣等种族。”那时候我22岁。我在外省的一所学院里,和大多数出身于当地资产阶级的子女一起学习文学。处在无地的农民、工人和小商贩,因举止、口音和没有文化而被轻视的人们这一系列的末尾,我骄傲而天真地以为写一些书,成为作家,就足以弥补与生俱来的社会的不公。在学校随着我学业的成功而使我抱有的幻觉里,一种个人的胜利在抹去几个世纪的统治和贫困。我个人的成就怎么能弥补我经受过的任何屈辱和伤害呢?我没有向自己提过这个问题,是有一些理由的。


Depuis que je savais lire, les livres étaient mes compagnons, la lecture mon occupation naturelle en dehors de l’école. Ce goût était entretenu par une mère, elle-même grande lectrice de romans entre deux clients de sa boutique, qui me préférait lisant plutôt que cousant et tricotant. La cherté des livres, la suspicion dont ils faisaient l’objet dans mon école religieuse, me les rendaient encore plus désirables. Don Quichotte, Voyages de Gulliver, Jane Eyre, contes de Grimm et d’Andersen, David Copperfield, Autant en emporte le vent, plus tard Les Misérables, Les raisins de la colère, La Nausée, L’étranger : c’est le hasard, plus que des prescriptions venues de l’Ecole, qui déterminait mes lectures.

从我会读书开始,书籍就是我的伴侣,阅读自然是我在课外的消遣。这种兴趣是一个母亲培养出来的,她本人在她的店铺里接待顾客的间歇读了大量的小说,她更喜欢我读书而不是缝纫和编织。书籍的昂贵,它们在我的教会学校里受到的怀疑,使我对它们更加向往。《堂吉诃德》《格列佛游记》《简·爱》,格林和安徒生的童话,《大卫·科波菲尔》《飘》,后来的《悲惨世界》《愤怒的葡萄》《恶心》《局外人》:与其说是学校的规定,不如说是机缘巧合决定着我读些什么书。


Le choix de faire des études de lettres avait été celui de rester dans la littérature, devenue la valeur supérieure à toutes les autres, un mode de vie même qui me faisais me projeter dans un roman de Flaubert ou de Virginia Woolf et de les vivre littéralement. Une sorte de continent que j’opposais inconsciemment à mon milieu social. Et je ne concevais l’écriture que comme la possibilité de transfigurer le réel.

选择学习文学,就是选择留在文学之中。文学成了超越其他一切价值的价值,甚至是一种生活方式,它使我投身于福楼拜或弗吉尼亚·伍尔夫的一部小说里,并且充分地感受它们。这是一块我不自觉地用来与我的社会环境相对抗的大陆。我也只把写作看成是改变现实的可能性。


Ce n’est pas le refus d’un premier roman par deux ou trois éditeurs – roman dont le seul mérite était la recherche d’une forme nouvelle – qui a rabattu mon désir et mon orgueil. Ce sont des situations de la vie où être une femme pesait de tout son poids de différence avec être un homme dans une société où les rôles étaient définis selon les sexes, la contraception interdite et l’interruption de grossesse un crime. En couple avec deux enfants, un métier d’enseignante, et la charge de l’intendance familiale, je m’éloignais de plus en plus chaque jour de l’écriture et de ma promesse de venger ma race. Je ne pouvais lire « La parabole de la loi » dans Le procès de Kafka sans y voir la figuration de mon destin : mourir sans avoir franchi la porte qui n’était faite que pour moi, le livre que seule je pourrais écrire.

并非是两三个出版商拒绝了我的第一部小说——这部小说的唯一优点是探索一种新的形式——打击了我的愿望和自尊,而是在一个按照性别来确定角色、禁止避孕和中止妊娠是一种罪行的社会里,作为一个女人与作为一个男人具有重大差别的生活环境。作为有两个孩子的已婚妇女,有一份教师的职业,负责管理家务,我日益远离写作和要为种族复仇的诺言。在卡夫卡的《审判》里读到“法律的寓言”,我不能不在其中看到我的命运的形象:死去时尚未跨过专为我设置的门、那本只有我能写作的书。


Mais c’était sans compter sur le hasard privé et historique. La mort d’un père qui décède trois jours après mon arrivée chez lui en vacances, un poste de professeur dans des classes dont les élèves sont issus de milieux populaires semblables au mien, des mouvements mondiaux de contestation : autant d’éléments qui me ramenaient par des voies imprévues et sensibles au monde de mes origines, à ma « race », et qui donnaient à mon désir d’écrire un caractère d’urgence secrète et absolue. Il ne s’agissait pas, cette fois, de me livrer à cet illusoire « écrire sur rien » de mes vingt ans, mais de plonger dans l’indicible d’une mémoire refoulée et de mettre au jour la façon d’exister des miens. Ecrire afin de comprendre les raisons en moi et hors de moi qui m’avaient éloignée de mes origines.

然而这是没有考虑到个人和历史的偶然性。父亲在我到他那里度假三天后死去,在学生都来自和我一样的民众阶层的教室里任教,一些世界性的抗议运动:那么多事件通过一些意想不到和敏感的渠道把我拉回到我出身的世界、我的“种族”,使我的写作有了一种隐秘而绝对的紧迫性。这一次不是致力于我20岁时虚幻的“随便写写”,而是投身于难以描述的一种被压抑的回忆,揭示我的亲友们的生存方式。为了理解使我远离我的来源的、自身的和外在的原因而写作。


Aucun choix d’écriture ne va de soi. Mais ceux qui, immigrés, ne parlent plus la langue de leurs parents, et ceux, transfuges de classe sociale, n’ont plus tout à fait la même, se pensent et s’expriment avec d’autres mots, tous sont mis devant des obstacles supplémentaires. Un dilemme. Ils ressentent, en effet, la difficulté, voire l’impossibilité d’écrire dans la langue acquise, dominante, qu’ils ont appris à maîtriser et qu’ils admirent dans ses œuvres littéraires, tout ce qui a trait à leur monde d’origine, ce monde premier fait de sensations, de mots qui disent la vie quotidienne, le travail, la place occupée dans la société. Il y a d’un côté la langue dans laquelle ils ont appris à nommer les choses, avec sa brutalité, avec ses silences, celui, par exemple, du face à face entre une mère et un fils, dans le très beau texte d’Albert Camus, « Entre oui et non ». De l’autre, les modèles des œuvres admirées, intériorisées, celles qui ont ouvert l’univers premier et auxquelles ils se sentent redevables de leur élévation, qu’ils considèrent même souvent comme leur vraie patrie. Dans la mienne figuraient Flaubert, Proust, Virginia Woolf : au moment de reprendre l’écriture, ils ne m’étaient d’aucun secours. Il me fallait rompre avec le « bien écrire », la belle phrase, celle-là même que j’enseignais à mes élèves, pour extirper, exhiber et comprendre la déchirure qui me traversait. Spontanément, c’est le fracas d’une langue charriant colère et dérision, voire grossièreté, qui m’est venue, une langue de l’excès, insurgée, souvent utilisée par les humiliés et les offensés, comme la seule façon de répondre à la mémoire des mépris, de la honte et de la honte de la honte.

对写作的任何一种选择都并非自然而然的。但是移民们不再说他们父母的语言,社会阶级的叛逆者们完全不再说同样的语言,而是以另外的词语来思考和表达,他们都面对着一切额外的障碍。一种进退两难的困境。他们确实感到很难、甚至不可能用学到的主流语言来写作,他们学会掌握了这种语言,在它的文学作品里欣赏一切与他们出身的世界有关的东西,这最初的世界是由描写日常生活、工作、占据的社会地位的感觉和词语组成的。一方面有他们学会用来命名事物的语言,用它的粗暴、它的一切沉默,例如在阿尔贝·加缪的非常优美的作品《在是与否之间》里,一位母亲和一个儿子之间辩论时的沉默。另一方面是被欣赏的、内心化的作品的典范,它们开辟了最初的世界,他们感到自己的提高要感谢它们,甚至往往把它们视为真正的家园。在我的家园里出现的有福楼拜、普鲁斯特和弗吉尼亚·伍尔夫:在重新写作的时候,他们对我没有任何帮助。我必须断绝“好好写”、漂亮的语句,甚至就是我教给学生的句子,以便根除、展示和理解穿透我的伤痕。我本能地感受到一种伴随着愤怒和嘲弄、甚至粗俗的语言的喧哗,一种过分的、反抗的、往往被屈辱者和被伤害者使用的语言,犹如适应对蔑视、耻辱和对耻辱感到羞耻的回忆的唯一方式。


Très vite aussi, il m’a paru évident – au point de ne pouvoir envisager d’autre point de départ – d’ancrer le récit de ma déchirure sociale dans la situation qui avait été la mienne lorsque j’étais étudiante, celle, révoltante, à laquelle l’Etat français condamnait toujours les femmes, le recours à l’avortement clandestin entre les mains d’une faiseuse d’anges. Et je voulais décrire tout ce qui est arrivé à mon corps de fille, la découverte du plaisir, les règles. Ainsi, dans ce premier livre, publié en 1974, sans que j’en sois alors consciente, se trouvait définie l’aire dans laquelle je placerais mon travail d’écriture, une aire à la fois sociale et féministe. Venger ma race et venger mon sexe ne feraient qu’un désormais.

同样,我很快就觉得显然——以至于不可能考虑从另一个地方开始——要把我对社会创伤的叙述牢牢地置于我作为反叛的大学生经历过的环境之中,当时法兰西国家始终在谴责妇女求助于接生婆在私下里非法堕胎。我要描述发生在我的少女身体上的一切,发现乐趣,月经。就这样,在这部发表于1974年的第一部作品里,我当时尚未意识到,已经确定了我将要写作的领域,一个既是社会的又是女性的领域。从此为我的种族复仇和为我的性别复仇就合二为一了。


Comment ne pas s’interroger sur la vie sans le faire aussi sur l’écriture ? Sans se demander si celle-ci conforte ou dérange les représentations admises, intériorisées sur les êtres et les choses ? Est-ce que l’écriture insurgée, par sa violence et sa dérision, ne reflétait pas une attitude de dominée ? Quand le lecteur était un privilégié culturel, il conservait la même position de surplomb et de condescendance par rapport au personnage du livre que dans la vie réelle. C’est donc, à l’origine, pour déjouer ce regard qui, porté sur mon père dont je voulais raconter la vie, aurait été insoutenable et, je le sentais, une trahison, que j’ai adopté, à partir de mon quatrième livre, une écriture neutre, objective, « plate » en ce sens qu’elle ne comportait ni métaphores, ni signes d’émotion. La violence n’était plus exhibée, elle venait des faits eux-mêmes et non de l’écriture. Trouver les mots qui contiennent à la fois la réalité et la sensation procurée par la réalité, allait devenir, jusqu’à aujourd’hui, mon souci constant en écrivant, quel que soit l’objet.

在思考生活的时候,怎么能不同时思考写作呢?不考虑写作是否加强或妨碍了关于人和物的被认可的、内心化的表达方式?反叛的写作通过它的粗暴和嘲弄,不正是反映了我这个被统治者的态度吗?读者如果很有文化修养,他就会对书里的和现实生活里的人物保持同样突出和高傲的态度。因而在最初,我想要讲述父亲生平的时候,我觉得盯着他的目光是一种背叛,将会无法忍受,为了躲过这种目光,从第四本书开始,我采用了一种中性的、客观的写作,从它既不包含寓意、又没有感人迹象的意义上来说是“平淡无奇”的。粗暴不再被展现出来,而是来自事件本身而不是来自写作。迄今为止,无论写什么主题,找到同时包括现实和现实提供的感觉的词语,已经逐渐成为我在写作时始终关注的问题。


Continuer à dire « je » m’était nécessaire. La première personne – celle par laquelle, dans la plupart des langues, nous existons, dès que nous savons parler, jusqu’à la mort – est souvent considérée, dans son usage littéraire, comme narcissique dès lors qu’elle réfère à l’auteur, qu’il ne s’agit pas d’un « je » présenté comme fictif. Il est bon de rappeler que le « je », jusque là privilège des nobles racontant des hauts faits d’armes dans des Mémoires, est en France une conquête démocratique du XVIIIème siècle, l’affirmation de l’égalité des individus et du droit à être sujet de leur histoire, ainsi que le revendique Jean-Jacques Rousseau dans ce premier préambule des Confessions : « Et qu’on n’objecte pas que n’étant qu’un homme du peuple, je n’ai rien à dire qui mérite l’attention des lecteurs. […] Dans quelque obscurité que j’aie pu vivre, si j’ai pensé plus et mieux que les Rois, l’histoire de mon âme est plus intéressante que celle des leurs ».

我必须继续说“我”。第一人称——在大多数语言里,我们从会说话时起直到死去得以存在的人称——用在文学里一旦表示作者而并非一个虚构的“我”时就往往被视为自恋。应该想到在此之前“我”是在回忆录里讲述武功的贵族们的特权,在18世纪的法国是民主的征服,是对个人平等和成为他们的故事主题的权利的肯定,正如让-雅克·卢梭在《忏悔录》的第一段开场白里所要求得到的那样:“但愿大家不反对我以下所说:我只是个平民,没有值得读者一听的事要说……我的一生尽管默默无闻,但要是我的思想比国王们更丰富更深刻,那我的内心的全部活动就会比他们的更能吸引人。”


Ce n’est pas cet orgueil plébéien qui me motivait (encore que…) mais le désir de me servir du « je » – forme à la fois masculine et féminine – comme un outil exploratoire qui capte les sensations, celles que la mémoire a enfouies, celles que le monde autour ne cesse de nous donner, partout et tout le temps. Ce préalable de la sensation est devenu pour moi à la fois le guide et la garantie de l’authenticité de ma recherche. Mais à quelles fins ? Il ne s’agit pas pour moi de raconter l’histoire de ma vie ni de me délivrer de ses secrets mais de déchiffrer une situation vécue, un événement, une relation amoureuse, et dévoiler ainsi quelque chose que seule l’écriture peut faire exister et passer, peut-être, dans d’autres consciences, d’autres mémoires. Qui pourrait dire que l’amour, la douleur et le deuil, la honte, ne sont pas universels ? Victor Hugo a écrit : « Nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui ». Mais toutes choses étant vécues inexorablement sur le mode individuel – « c’est à moi que ça arrive » – elles ne peuvent être lues de la même façon, que si le « je » du livre devient, d’une certaine façon, transparent, et que celui du lecteur ou de la lectrice vienne l’occuper. Que ce Je soit en somme transpersonnel, que le singulier atteigne l’universel.

尽管如此……激励我的并非这种平民的自尊,而是使自己成为“我”——既是男性也是女性的形式——的愿望,作为一种探索的工具,它捕捉一切感觉,被记忆掩埋的感觉,周围世界时时处处不断给予我们的感觉。这种感觉的前提对于我同时成了我探索的真实性的向导和保证。但是有些什么样的目的呢?对我来说,问题不在于讲述我生平的经历,也不是摆脱它的秘密,而是了解一种真实的环境,一个事件,一种恋爱关系,从而揭露只有写作才能使之存在的某种东西,并且也许还能传递到其他人的意识和记忆里。谁能说爱情、痛苦、哀悼、羞耻不是普遍存在的呢?维克多·雨果写过:“我们无人有幸拥有一种属于他的生活。”但是所有的事情既然都不可避免地以个人的方式来感受——这是发生在我身上的——那么只有书中的“我”以某种方式变得透明,而由男女读者的“我”来填补它的时候,它们才能以同样的方式被阅读。总之,但愿这个大写的我是可以转变人称的。


C’est ainsi que j’ai conçu mon engagement dans l’écriture, lequel ne consiste pas à écrire « pour » une catégorie de lecteurs, mais « depuis » mon expérience de femme et d’immigrée de l’intérieur, depuis ma mémoire désormais de plus en plus longue des années traversées, depuis le présent, sans cesse pourvoyeur d’images et de paroles des autres. Cet engagement comme mise en gage de moi-même dans l’écriture est soutenu par la croyance, devenue certitude, qu’un livre peut contribuer à changer la vie personnelle, à briser la solitude des choses subies et enfouies, à se penser différemment. Quand l’indicible vient au jour, c’est politique.

我就是这样理解我在写作中的倾向的。它不在于“为”一类读者写作,而是“从”我作为女人和“国内移民”的体验,从我此后对经历的年代的越来越漫长的记忆,从现在来不断提供他人的形象和话语。作为在写作中对我自己的保证,这种由信仰支撑的倾向变成了确信,一本书能有助于改变个人的生活,打破一切被忍受和隐藏的事情的沉默,以不同的方式思考。当难以言说的事情被说出来的时候,这就是政治。


On le voit aujourd’hui avec la révolte de ces femmes qui ont trouvé les mots pour bouleverser le pouvoir masculin et se sont élevées, comme en Iran, contre sa forme la plus violente et la plus archaïque. Ecrivant dans un pays démocratique, je continue de m’interroger, cependant, sur la place occupée par les femmes, y compris dans le champ littéraire. Leur légitimité à produire des œuvres n’est pas encore acquise. Il y a en France et partout dans le monde, des intellectuels masculins, pour qui les livres écrits par les femmes n’existent tout simplement pas, ils ne les citent jamais. La reconnaissance de mon travail par l’Académie suédoise constitue un signal de justice et d’espérance pour toutes les écrivaines.

今天我们随着妇女的反抗看到了这一点,她们找到了动摇男性权力的词语,像在伊朗那样起来反对它的最古老的形式。我在一个民主国家里写作,但我仍然在思考妇女们在文学领域里占据的地位。她们尚未获得创作作品的合法性。在世界上,包括在西方的知识界,一些男人对妇女们写的书视而不见,从来不引用它们。瑞典学院对我作品的认可,是所有女作家的希望的信号。


Dans la mise au jour de l’indicible social, cette intériorisation des rapports de domination de classe et/ou de race, de sexe également, qui est ressentie seulement par ceux qui en sont l’objet, il y a la possibilité d’une émancipation individuelle mais également collective. Déchiffrer le monde réel en le dépouillant des visions et des valeurs dont la langue, toute langue, est porteuse, c’est en déranger l’ordre institué, en bouleverser les hiérarchies.

在对那些不可言说的社会问题的揭露中,这种阶级和/或种族的、同样还有性别的统治关系的、只有那些作为被统治的对象的人才能感觉得到的内心化,有着个人的但也是集体的解放的可能性。在了解现实世界的同时抛弃它的由语言、全部语言承载的一切观念和价值,这就是在扰乱它的既定秩序,动摇它的等级制度。


Mais je ne confonds pas cette action politique de l’écriture littéraire, soumise à sa réception par le lecteur ou la lectrice avec les prises de position que je me sens tenue de prendre par rapport aux événements, aux conflits et aux idées. J’ai grandi dans la génération de l’après-guerre mondiale où il allait de soi que des écrivains et des intellectuels se positionnent par rapport à la politique de la France et s’impliquent dans les luttes sociales. Personne ne peut dire aujourd’hui si les choses auraient tourné autrement sans leur parole et leur engagement. Dans le monde actuel, où la multiplicité des sources d’information, la rapidité du remplacement des images par d’autres, accoutument à une forme d’indifférence, se concentrer sur son art est une tentation. Mais, dans le même temps, il y a en Europe – masquée encore par la violence d’une guerre impérialiste menée par le dictateur à la tête de la Russie – la montée d’une idéologie de repli et de fermeture, qui se répand et gagne continument du terrain dans des pays jusqu’ici démocratiques. Fondée sur l’exclusion des étrangers et des immigrés, l’abandon des économiquement faibles, sur la surveillance du corps des femmes, elle m’impose, à moi, comme à tous ceux pour qui la valeur d’un être humain est la même, toujours et partout, un devoir de vigilance. Quant au poids du sauvetage de la planète, détruite en grande partie par l’appétit des puissances économiques ne saurait peser, comme il est à craindre, sur ceux qui sont déjà demunis. Le silence, dans certains moments de l’Histoire, n’est pas de mise.

但是我不会把这种使男女读者接受的文学写作的政治作用与我对一切事件、冲突和观念所必须采取的立场混为一谈。我成长在第二次世界大战后的一代,那时当然有一些作家和知识分子采取了与法国政治相关的立场,并且投身于社会斗争。今天谁也不能说如果没有他们的讲话和介入,事情是否会有不同的转向。在当今的世界上,信息来源的多样性、图像取代的快速,习惯了一种冷漠的形式,使专注于自己的艺术成了一种诱惑。但与此同时在欧洲,一种退却和封闭的意识形态正在抬头。建立在排斥外国人和移民、在经济上抛弃弱者、监视妇女的身体的基础上,它迫使我接受一种高度警惕的责任,正如对所有认为人的价值到处都永远相同的人们一样。


En m’accordant la plus haute distinction littéraire qui soit, c’est un travail d’écriture et une recherche personnelle menés dans la solitude et le doute qui se trouvent placés dans une grande lumière. Elle ne m’éblouit pas. Je ne regarde pas l’attribution qui m’a été faite du prix Nobel comme une victoire individuelle. Ce n’est ni orgueil ni modestie de penser qu’elle est, d’une certaine façon, une victoire collective. J’en partage la fierté avec ceux et celles qui, d’une façon ou d’une autre souhaitent plus de liberté, d’égalité et de dignité pour tous les humains, quels que soient leur sexe et leur genre, leur peau et leur culture. Ceux et celles qui pensent aux générations à venir, à la sauvegarde d’une Terre que l’appétit de profit d’un petit nombre continue de rendre de moins en moins vivable pour l’ensemble des populations.

授予我最高的文学荣誉,就是把我在孤独和疑虑中进行的写作和个人探索置于一盏明灯之下。它不会使我眼花缭乱。我没有把授予我诺贝尔文学奖看成是我个人的胜利。认为它在某种意义上是集体的胜利,这不是骄傲也不是谦虚。我与那些男人和女人分享自豪,他们以这种或那种方式希望所有的人有更多的自由、平等和尊严,无论他们是什么样的性别和类型、肤色和文化。那些男人和女人想着后代,想挽救被一小撮人对利润的欲望使全体人类越来越难以生存的地球。


Si je me retourne sur la promesse faite à vingt ans de venger ma race, je ne saurais dire si je l’ai réalisée. C’est d’elle, de mes ascendants, hommes et femmes durs à des tâches qui les ont fait mourir tôt, que j’ai reçu assez de force et de colère pour avoir le désir et l’ambition de lui faire une place dans la littérature, dans cet ensemble de voix multiples qui, très tôt, m’a accompagnée en me donnant accès à d’autres mondes et d’autres pensées, y compris celle de m’insurger contre elle et de vouloir la modifier. Pour inscrire ma voix de femme et de transfuge sociale dans ce qui se présente toujours comme un lieu d’émancipation, la littérature.

如果我回到20岁时所做的为我的种族复仇的诺言,我不会说我是否已经实现了它。正是从这个诺言,从我的祖先、因使他们早夭的劳作而痛苦的男人和女人,我获得了足够的力量和愤怒,才有了要使这个诺言在文学中、在各种声音的合唱中占有一席之地的愿望和雄心,这种合唱很早就伴随着我,使我接触到其他的世界和其他的思想,包括使我反对它和想改变它的思想,以便把我女性的和社会反叛者的声音铭刻在永远呈现为解放的地方:文学。

- 法语好物 -

- 往期推荐 -

这部法国电影为什么把影评人看到当场昏倒?| 精读第90期


法语口笔译集训营开班啦!

波伏娃:在爱中与自我相逢 | 法文壁纸

--






莫里哀法语公会
公会守则:每周读报,时常追剧,偶尔文艺,做一切与法语有关的事!
 最新文章