Discours de l’Ambassadeur LU Shaye au Forum Chine-France de Paris 2024
Bonjour.
En cette année du 60e anniversaire des relations diplomatiques sino-françaises, nous voilà à la charnière des relations entre nos deux pays, dans un contexte marqué par des changements inédits depuis un siècle. La Chine et la France se trouvent désormais dans une nouvelle phase pour se découvrir, se comprendre et s’adapter mutuellement, en vue de trouver une nouvelle voie de la bonne entente. En effet, bien percevoir l’intention d’une partie et d’autre constitue la clé pour planifier l’avenir des relations bilatérales. Et c’est pourquoi, au tour du thème « Ouvrons une nouvelle marche pour le prochain soixantenaire des relations Chine-France », nous organisons ce troisième Forum Chine-France de Paris que vous avez bien voulu honorer par votre présence. Merci à tous.
Au Forum de l’année dernière, j’ai fait partager mes quelques réflexions sur les relations sino-françaises, sur la base des expériences historiques et en ligne avec l’engagement à l’établissement des relations diplomatiques sino-françaises, à savoir l’indépendance, la compréhension mutuelle, la clairvoyance et le bénéfice partagé, comme l’a résumé le Président Xi Jinping. Aujourd’hui, j’aimerais développer mes idées à partir des actualités.
Les relations sino-françaises en 2024 ont été marquées par trois événements majeurs :
Le premier, c’est la visite du président Xi Jinping en France en mai dernier. Cette visite a accompli deux grands exploits. Un, les deux chefs d’État ont eu une concertation stratégique de haute qualité et sont parvenus à des consensus importants, à travers des événements d’État solennels et un échange profond qui a duré des heures. Et deux, ont été obtenus des fruits de haute qualité, dont la publication de quatre déclarations conjointes respectivement sur la situation au Moyen-Orient, l’intelligence artificielle, la biodiversité et la coopération agricole, ainsi que la signature de près de 20 accords de coopération. Cette visite a hérité la tradition de l’indépendance de nos deux pays, créé un nouveau temps fort de nos relations bilatérales et mis en évidence l’importance de leur stabilité dans le contexte actuel.
Le deuxième, c’est la célébration du soixantenaire des relations diplomatiques sino-françaises et de l’année sino-française du tourisme culturel. Tout au long de l’année, nous avons organisé des activités dans ce cadre. Des centaines de spectacles, d’expositions, de conférences et de forums, dans les domaines aussi variés que culture, tourisme, éducation, science et technologie, ont été organisés dans les deux capitales comme en province. Autant d’événements qui illustrent bel et bien l’attrait mutuel des civilisations chinoise et française de même que la dynamique des échanges et coopération humains et culturels entre les deux pays, et qui portent en eux l’aspiration ardente des Chinois et des Français de poursuivre l’amitié et d’approfondir la compréhension mutuelle.
Le troisième, ce sont les tensions commericales dues à l’augmentation des droits de douane par l’Union européenne sur les véhicules électriques chinois. Il s’agit en réalité d’un problème entre la Chine et l’UE, mais qui pourrait compromettre les relations sino-françaises. Au fond, la Chine est économiquement très complémentaire avec l’Europe et la France. Mais ces denières années, en raison de la situation internationale, des perturbations extérieures et de l’évolution de stades de développement des pays concernés, certains pays européens, dont la France, sont manifestement plus enclins à politiser les mesures économiques et commerciales à l’égard de la Chine, ce qui conduit à une augmentation de frictions sino-européennes. Ceci dit, la partie chinoise estime que les fondamentaux de la coopération sino-européenne n’ont pas changé. Elle dispose toujours d’immenses potentiels et de vastes perspectives. Aussi avons-nous toujours gardé la porte ouverte au dialogue et à la coopération avec l’Europe. Sur la question des véhicules électriques, la partie chinoise a fait preuve de la plus grande sincérité et de la plus grande souplesse dans les négociations, tenant en compte non seulement les intérêts des entreprises chinoises, mais aussi l’intérêt général des relations Chine-France et Chine-UE. Nous espérons que la partie française pourra travailler dans le même sens.
Au cours de l’année écoulée, alors que les relations sino-françaises ont été dans l’ensemble stables, la situation internationale s’est avérée plutôt changeante et agitée, ce qui confirme une fois de plus la complexité des mutations que le monde n’a pas connues depuis un siècle et l’avènement d’un grand tournant dans l’histoire. Fernand Braudel, l’un des plus grands historiens du XXe siècle, a divisé l’histoire en trois « temps étagés »: court, moyen et long. Nous pouvons voir de plus près ce qui s’est passé dans le monde en 2024 à la lumière de cette « triple temporalité » :
Du point de vue du « temps des événements » à court terme, les « cygnes noirs » et les « rhinocéros gris » sont devenus monnaie courante. Les conflits régionaux tels que la crise ukrainienne et le conflit israélo-palestinien perdurent, ont débordé et entraîné la mutation de la situation en Syrie, suscitant des inquiétudes sur une éventuelle guerre à plus grande échelle. Maintenant que les résultats des élections américaines sont définitifs, les choix politiques de la nouvelle administration américaine auront une portée lointaine sur le monde.
Du point de vue du « temps de la conjoncture » à moyen terme, des décennies de la paix et de la stabilité que le monde a connues à l’issue de la guerre froide ne sont plus d’actualité, et l’ordre international actuel est confronté à de sérieux défis. Le monde s’enlise désormais dans des difficultés économiques accrues, et la logique économique qui dominait autrefois le processus de la mondialisation économique est reléguée au second plan par la logique de la puissance.
Du point de vue du « temps des structures » sur une longue période, sous l’effet des changements simultanés et significatifs dans les domaines de la science et technologie, de la politique, de l’économie et d’autres facteurs importants qui affectent le développement humain, de nombreuses structures autrefois stables se modifient à un rythme accéléré, et certaines sont même devenues des problèmes les plus urgents à régler. Dérèglement climatique, dégradation environnementale, baisse du taux de fécondité, intensification des antagonismes ethniques et religieux, remise en cause des valeurs traditionnelles, etc. Les risques communs auxquels l’humanité est confrontée n’ont jamais été aussi nombreux et imprévisibles.
La théorie de Braudel nous offre une piste pour observer les mutations majeures du siècle. Il préconise d’analyser les enjeux actuels dans une vision historique de long terme afin de dépasser la myopie politique. Cette méthodologie est largement reconnue, et correspond à la « vision historique globale » préconisée par la Chine. La Chine et la France sont l’une comme l’autre représentants des civilisations orientales et occidentales et membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Leurs relations transcendent le cadre bilatéral et ont une portée globale et historique. L’analyse de ces relations dans la nouvelle ère doit se faire dans une optique historique et mondiale, et toute prise de décision doit être guidée par les résultats escomptés. Comme le disent les Chinois, chaque jour je m’examine trois fois. Et nous pouvons aussi nous poser trois questions en ce qui concerne les relations sino-françaises :
Premièrement, qu’est ce que c’est l’avenir commun que nous attendons ?
La société humaine se trouve à la croisée des chemins. Va-t-elle s’abîmer dans la guerre et la récession, ou partir vaillamment à la recherche de la paix et du développement ? La réponse est évidente. Mais il faut travailler dur pour outrepasser les rapports de force géopolitiques et la démondialisation, tant qu’il est toujours plus facile de laisser faire les mauvais éléments que d’adopter des choix corrects. Comme l’a dit le président Xi Jinping, « chaque rencontre entre la Chine et la France dans le long fleuve de l’histoire peut générer une grande énergie et influencer la direction de la marche du monde. » La Chine et la France doivent assumer des responsabilités à la hauteur de leur statut de grand pays. Plus de dialogue et moins de méfiance entre nos deux pays induisent plus de coopération et moins de confrontation entre la Chine et l’UE, et plus de stabilité et moins de bouleversement dans le monde. Espérons que dans plusieurs décennies, quand nos enfants et petits-enfants repasseront en revue ce qui se passe aujourd’hui, ils se réjouiront que la Chine et la France aient une fois de plus fait le bon choix à un moment crucial de l’histoire.
Deuxièmement, qu’attendons-nous de la relation sino-française pour nos deux pays ?
Les relations sino-françaises reposent sur le bénéfice mutuel et la coopération gagnant-gagnant. Aujourd’hui, la France est le troisième partenaire commercial et la troisième source d’investissements réels pour la Chine, au sein de l’Union européenne. La Chine est pour la France le premier partenaire commercial en Asie et le septième dans le monde. De l’énergie nucléaire, l’aéronautique et l’aérospatiale, qui sont d’une importance stratégique, à l’agroalimentaire, aux biens de consommation haut de gamme et au tourisme, qui concernent directement le quotidien des populations, en passant par les secteurs de l’« économie du futur », tels que la croissance verte et la technologie numérique, la Chine et la France ont beaucoup gagné de la coopération, laquelle a apporté des bénéfices tangibles aux Chinois et aux Français. Mais ces dernières années, certains estiment que la France a pâti de sa coopération avec la Chine. Est-ce vraiment le cas ? La coopération économique et commerciale sino-française est fondée sur la loi du marché. Si elle n’est pas gagnant-gagnant, comment a-t-elle pu se multiplier par 800 en 60 ans ? Récemment, un rapport allemand a indiqué que le « découplage » entre la Chine et l’Europe entraînera une chute de 0,81 % du PIB européen. Ce n’est pas beaucoup comme chiffre, mais si on le compare avec les 0,14 % de perte économique causée par le Brexit à l’Allemagne, on peut bien comprendre le caractère mutuellement bénéfique des relations Chine-UE. Entre la Chine et la France, aux histoires, cultures et conditions très différentes, il y a toujours eu disparité, concurrence et contrariété, mais leurs intérêts communs ont toujours été bien plus importants que les divergences. Face aux aléas internationaux, nos deux pays devraient avoir la conviction ferme de ne pas se laisser influencer par des incidents de passage et des perturbations extérieures, et sont appelés à partir des intérêts fondamentaux de l’un et de l’autre, à rechercher un terrain d’entente par-delà les divergences, de manière à favoriser des bénéfices réciproques et le gagnant-gagnant sur un niveau plus élevé.
Troisièmement, qu’attendons-nous de la concurrence entre la Chine et la France ?
Les JO de cet été a été une grande fête pour le monde entier. Si les athlètes se rivalisent de performance, c’est pour se surpasser. Il en va de même pour les pays. C’est dans la concurrence qu’ils se motivent les uns les autres, pour réaliser leur développement respectif. Dans le passé, la Chine était très en retard dans l’électronucléaire. C’est en coopérant avec la France et d’autres pays que mon pays s’est développé au fur et à mesure pour atteindre le niveau mondial dans le domaine. Aujourd’hui, la Chine dispose des technologies de pointe dans les secteurs de 5G, du véhicule électrique et des nouvelles énergies. Et l’Europe peut tout à fait coopérer avec nous pour s’engager sur des voies rapides de développement dans ces domaines. Cependant, ces dernières années, l’Europe a pris de nombreuses mesures protectionnistes à l’encontre de la Chine dans les domaines des véhicules électriques et autres. Pour être franc, la Chine n’est pas l’unique concurrent de l’Europe, et l’Europe n’est pas l’unique partenaire de la Chine. Le succès de la Chine ne signifie pas l’échec de l’Europe, et vice versa. Les problèmes économiques sont à régler par l’approche économique, trop d’intervention politique pourrait avoir un effet contre-productif. La compétitivité de l’Europe vient de l’innovation technico-scientifique et de la pleine concurrence, et le recours au protectionnisme n’est pas un choix raisonnable. Dans une vision historique de long terme, est-ce que cela vaut vraiment le coup de ralentir son propre développement rien que pour obtenir des intérêts immédiats en contenant la Chine ? La Chine et la France sont l’une comme l’autre pays de grande sagesse. Je suis convaincu qu’elles peuvent trouver des solutions pour bien gérer les divergences et résoudre les problèmes, y compris sur le dossier des véhicules électriques.
En juillet dernier, le Parti communiste chinois (PCC) a tenu la troisième session plénière de son 20e Comité central. Cette réunion a élaboré un nouveau plan de la réforme et de l’ouverture de la Chine, en émettant des signaux clairs d’approfondir globalement les réformes, d’étendre l’ouverture de haut niveau et de faire progresser le développement de haute qualité. C’est un choix que la Chine a fait sur la base d’une vision historique globale et d’une perception perspicace des mutations nouvelles dans le monde. La réunion a mis en avant plus de 300 initiatives de réforme et d’ouverture, y compris celles qui attirent le plus d’attention des amis français, comme l’ouverture progressive des marchés chinois de marchandises, de service, de capitaux et de travail, l’annulation totale des mesures restrictives sur l’accès des investissements étrangers au secteur manufacturier, ou encore la promotion de l’ouverture progressive des secteurs de télécommunication, d’internet, de l’éducation, de la culture et des soins médicaux, sans oublier, bien sûr, les mesures plus concrètes sur l’octroi de traitement national aux entreprises étrangères et de plus de facilités de vie aux étrangers installés en Chine. Par la réforme, l’ouverture et le développement, la Chine veut mieux s’intégrer au reste du monde pour injecter de la stabilité et de nouvelles vitalités dans ce monde en mutation, et apporter de nouvelles opportunités aux relations Chine-UE et Chine-France.
Voilà quelques-unes de mes modestes réflexions pour contribuer aux travaux d’aujourd’hui. J’attends de vous tous des idées ingénieuses et originales pour inspirer le développement sain des relations entre la Chine et la France pour les 60 prochaines années. Je souhaite plein succès au forum et à vous tous, un grand merci.
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